Génération(s) Ecolo(s) – Nos grands-parents étaient-ils écolos ?

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Je vous conseille avant toutes choses, si ce n’est pas déjà fait, d’aller jeter un oeil à l’intro, qui explique ce que c’est que cette chose étrange que vous avez devant les yeux !

L’affrontement des générations est un leitmotiv, quel que soit le sujet. Les jeunes qui blâment les vieux, les vieux qui blâment les jeunes, que l’on parle de politique, d’écologie, d’économie, de culture ou de tissage en macramé.
On a toujours des gens qui disent « c’était mieux avant » (« ah, la musique c’est plus ce que c’était ! »), ou à l’inverse qui rejettent en bloc tout ce qui est ancien (« c’est de la musique de vieux »).
On pourrait déjà en écrire des tartines juste sur ça, sur le fait que chaque génération ou bien se croit supérieure à la précédente (et à la suivante, en même temps), ou bien regrette celle d’avant comme une espèce de temps passé qu’on n’a pas connu mais qui serait forcément mieux, comme un Eden perdu à jamais. C’est simplement un biais cognitif, appelé le biais de status quo (sur ce sujet, je vous recommande la vidéo d’E-penser).

Sur le sujet de l’écologie, qui nous intéresse plus particulièrement, on entend souvent deux sons de cloches :

L’écologie c’est rétrograde. On englobe avec ça une prétendue régression qui porterait sur tous les plans : technologique, technique, mais aussi social. « Le lavable c’est revenir 50 ans en arrière« , « limiter sa conso d’énergie c’est revenir à l’âge de pierre » (coucou Monsieur le Président avec sa lampe à huile et ses Amish), sans parler de la caution pseudo-féministe sur laquelle on reviendra rapidement, « le fait-maison c’est revenir sur la libération de la femme » (argument ultra-sexiste lui-même puisqu’il sous-entend directement que fait maison = c’est madame qui le fait) …
L’écologie c’était mieux avant. En parallèle, on peut aussi assister à un certain embellissement du temps passé, d’avant la surconsommation de masse, où tout le monde aurait été écolo « de base », genre compris dans le package (Francis Cabrel, sors de ce corps), contrairement à aujourd’hui avec les jeunes générations qui se foutraient de tout (on vous remercie).

On le voit, ce sont deux positions très tranchées. Soit l’écologie signifie revenir aux coutumes d’un temps ancien, vues comme dépassées ; soit la véritable écologie a été perdue dans ces temps anciens, et aujourd’hui elle n’existe plus de manière instinctive.

Je pense, à titre personnel, que c’est un petit peu plus compliqué que ça
Dans cette partie sur les générations, je vais essayer de voir si on peut opposer (ou au contraire fusionner) des générations avec des comportements écolos. Pépé VS écologie, round 1.

La question est simple : si nos grands-parents (ou nos arrière-grands-parents, ou nos arrière-arrière-grands-parents, ou nos arrière-arrière-arrière… vous avez pigé) avaient eu à disposition toutes les possibilités d’aujourd’hui, auraient-ils eu un comportement écolo ?
Spoiler alert : sans doute pas.

Si nos grands-parents avaient eu à disposition toutes les disponibilités d’aujourd’hui, auraient-ils eu un comportement écolo ?

Mais je ne vais pas m’arrêter à une seule phrase (ce serait bien mal me connaître !), alors on va creuser un peu, avec l’aide de tous ceux qui ont répondu au questionnaire.

En savoir plus sur l’étude « Génération(s) Ecolo(s) »


A) C’était mieux avant : une époque romantisée

(Francis Cabrel style) (ou Rousseau pour un effet plus intellectuel)

L’idée selon laquelle « c’était mieux avant » est une idéologie que j’ai souvent croisé sur les réseaux sociaux : nos grands-parents (ou parents) faisaient comme ci, comme ça. Ils polluaient moins, jetaient moins, c’était mieux. Voire même (horreur) : « ils étaient tous écolos ».
NON. NONONONONONONONON. Insérez ici un emoji qui hurle. Ou Le Cri de Münch.

Les visions un peu « utopistes » du passé ont tendance à sous-estimer ou négliger la difficulté de la vie « avant ». Oui on était un peu plus dans la nature, mais la maladie, la pauvreté, la difficulté à juste se vêtir ou se chausser correctement, c’était le quotidien d’une grande majorité de familles.
Les comportements jugés « responsables » selon nos critères actuels n’étaient pas le fruit d’une réflexion personnelle, mais d’un large faisceau d’habitudes liées à la nécessité de contrebalancer la rudesse de la vie.
Il s’agit donc de ne pas céder à une « vision romantique » de la vie de nos grands-parents. Mon grand-père m’a dit que pour aider le blé à pousser, on mélangeait les grains avec un produit chimique dont le nom lui échappe, mais qui n’avait pas l’air très fifou. Pour le côté « écolo de naissance », on repassera.

Les comportements jugés « responsables selon nos critères actuels n’étaient pas le fruit d’une réflexion personnelle, mais d’un large faisceau d’habitudes liées à la nécessité de contrebalancer la rudesse de la vie.

C’est assez prégnant, quand même. Ma mère, 63 ans, a répondu au questionnaire et a une vision assez idyllique de l’époque de mon grand-père :

« Mes parents et ma grand-mère ont toujours cultivés leur jardin de façon plus ou moins raisonnée. C’est pour ça que j’ai toujours des légumes de saison chez mon Papa. Ma grand-mère c’était la reine du lait, du beurre, de l’andouille maison et des poireaux.
Oui, je pense que nos aïeux avaient le respect de la nature. Respect des cycles de semences, de maturation et de récolte. C’est pour ça que les légumes sont bons. De plus, j’ai toujours vu ma grand-mère et mon père récolter l’eau de pluie dans des cuves ou dans des puits pour arroser leur jardin.
 » (Dominique, 63 ans)


Les citernes d’eau de pluie et les poireaux du jardin, ça fait partie du topique associé à mon grand-père (y’a qu’à voir mon neveu qui, longtemps, a juste dit « pépé ! » quand il tenait une carotte dans sa main. Véridique). Mais ce respect de la nature est-il dû à une vraie volonté consciente de faire autrement, à une nécessité intrinsèque de protéger et faire perdurer la source directe de subsistance (la terre du jardin), ou à une espèce de « conscience collective », comme une sorte de lien spirituel, partagée de tous qui voudrait que toute cette génération ait été, de manière innée, liée à la terre, à la nature, aux saisons ?
Alice, 27 ans, souligne : « [Mes grands-parents] avaient spontanément un mode de vie bien moins gourmand que le mien, sans faire d’effort spécifique. Ca va sembler niais, mais je pense que la génération de nos grands-parents était bien plus connectée à la nature que la nôtre, donc aussi plus respectueuse parce que plus consciente des retours directs, même s’il n’y avait pas cette vision globale. »


En plus de cela, l’Insee a déterminé des pratiques différentes selon les âges. « D’importantes disparités existent en effet entre les enquêtés les plus jeunes et les plus âgés. En matière de consommation, ces derniers se distinguent notamment par leurs fortes exigences lors de leurs courses alimentaires. Ils se montrent aussi plus attentifs à la présence d’écolabels sur les produits qu’ils achètent. (…) Interrogés sur leur implication personnelle en faveur de l’environnement, ils ont presque quatre fois plus tendance que les plus jeunes à juger qu’ils sont fortement engagés en la matière. » (« Les acteurs économiques et l’environnement », Insee Références, Éric Pautard in. « L’inégale capacité des ménages à agir en faveur de l’environnement », 2017).
La difficulté à analyser ce constat tient notamment, selon moi, à deux éléments :

  • L’exigence accrue pour les courses alimentaires est-elle le fruit d’une exigence environnementale, ou plutôt axée sur la santé ? Est-elle la conséquence d’une éducation alimentaire plus saine (pas de plats préparés ou de produits transformés quand nos grands-parents étaient petits) ?
  • Se juger soi-même plus ou moins engagé comprend plusieurs écueils. Déjà, il est bien connu que l’on a toujours tendance à s’annoncer publiquement de manière plus favorable qu’en réalité.
    Par ailleurs, où se place le curseur de cet engagement ? Sur des critères plus anciens, à l’époque où l’écologie n’existait pas vraiment ? Si des critères actuels, à l’heure où presque tout le monde a déjà intégré le tri sélectif, par exemple ?

Bref, je pense qu’il faut mesurer l’écart entre la réalité et un imaginaire rousseauiste (ou cabrelien si vous préférez la chanson française) du « c’était mieux avant » en mode « la bonté de l’homme sauvage à l’état de nature ».
Regretter le passé, c’est une tendance courante, souvent teintée de mélancolie, comme si le passé était un Eden à jamais perdu.
Mais raisonner ainsi, c’est un peu nier notre capacité collective de changement, voire même une forme de défaitisme.

Corinne, 64 ans, présente une vision semblable … à cela d’étonnant qu’elle est issue de la génération du baby boom, et que ses grands-parents sont les arrières-grands-parents des trentenaires actuels. « Mes grands-parents ont eu la vie très dure dans une ferme où ils avaient des animaux, potager, terres à cultiver ; ils étaient conscients et je les admire. Nos parents moins. »

Comment expliquer cet analogisme dans la perception des générations précédentes ? Cela traduirait-il d’une tendance générale (plus on avance, moins on a de comportements responsables) ? Ou bien plutôt d’une position mentale par rapport aux générations précédentes ? Je ne m’aventurerais pas sur cette question, qui est bien trop technique pour moi !

En somme, il n’est jamais bon d’antagoniser ou d’idéaliser quelque chose uniquement sur la base de son époque ou de son origine.
Ce n’est pas parce que c’est ancien que c’est forcément mieux ou forcément moins bien.
Ce n’est pas parce que c’est nouveau que c’est forcément mieux ou forcément moins bien
Ce n’est pas parce que c’est exotique, que ça vient du Japon ou du Pérou que c’est forcément mieux ou forcément moins bien.
La qualité intrinsèque, la valeur absolue des choses sont à prendre au cas par cas. La valeur d’une chose, ou d’une habitude, etc … s’apprécie sur son caractère pratique, individuel, pas sur son unique origine temporelle ou géographique.

Du coup, dire tout de go (j’ai toujours rêvé de placer cette expression) que nos grands-parents étaient écolo, c’est un peu capillotracté.

Comme le dit Anne-Sophie (29 ans) : « Nos grands-parents étaient au top, j’aurais bien aimé qu’ils soient encore là pour leur demander des conseils. Dommage qu’on n’ait pas pris conscience de ça avant, ils n’avaient pas le choix non plus. C’est le business, le marketing, la révolution du plastique et du jetable qui nous ont mis dedans ».

Et bien justement, comment se fait-il que cette génération, qui semble pourtant auréolée d’une conscience presque innée des enjeux environnementaux, n’a pas réalisé qu’elle était écolo ?
Peut-être… parce qu’elle ne l’était pas.

Spoiler alert.
Oups, trop tard.


B) L’écologie, cette grande inconnue

Je pense que majoritairement, nos grands-parents (enfin les miens) agissaient ainsi par nécessité, et non par choix.
Je parie que mon grand-père aurait préféré de vraies baskets plutôt que d’aller à l’école en sabots, les pieds en sang. Ou un tracteur plutôt que des bœufs. Mais il n’y avait pas vraiment le choix. Les tracteurs c’était pour les riches céréaliers de la Beauce (c’est lui qui a dit hein) (j’ai rien contre la Beauce).

Parlons-en, de mon grand-père. Il a aujourd’hui plus de 90 ans, c’est un sacré gaillard toujours costaud pour son âge, avec un sens de l’humour un peu bancal (comme le mien) (les chiens font pas des chats), une passion pour les mots croisés de Ouest France et une poigne de fer quand il s’agit de bêcher le potager.

Un après-midi, je lui ai posé la question de l’écologie. Il m’a immédiatement répondu « quand j’étais petit, ça n’existait pas, l’écologie ». Voilà. Aussi simple que ça.

Pareil pour Marie-Liesse, 34 ans : « Nos grands-parents faisaient de l’écologie sans le savoir 😉 Je veux dire par là qu’ils n’avaient aucune notion de ce qu’est l’écologie, la question ne se posait pas à l’époque je pense ».

La grand-mère d’Amandine, 25 ans (Amandine, pas sa grand-mère) (oui je suis utile dans mes précisions), a bien expliqué qu’à son époque, le crédo c’était « après moi, le déluge » : « Ma grand-mère maternelle m’a déjà dit plusieurs fois qu’on parlait déjà des problèmes écologiques à son époque et que les gens n’y croyaient pas ou s’en moquaient. Au pire, le problème arriverait dans quelques années et ne serait plus le leur. »

Signe que c’est pas que mon pépé qui n’était pas écolo.

Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait pas gestes écolos. Mais l’écologie comme idéologie, comme construction intellectuelle, comme démarche volontaire, ils ne connaissaient pas, dans la ferme familiale du Morbihan.
A la ferme, ils n’utilisaient pas d’engrais chimique, mais des scories (cendre de bois). Les tomates étaient une denrée rare, été comme hiver. Les vaches avaient des cornes (j’ai promis que je le mettrai dans l’article, il avait l’air tellement désolé mon pauvre pépé en me parlant des vaches de maintenant qui n’ont plus de cornes).
Il allait à l’école à pieds, pieds nus dans des sabots en bois ; il avait deux bœufs pour aider au champ, et une jument percheronne du nom de Margaux, qui n’a jamais voulu se coucher pour pouliner paraît-il (si vous visualisez la taille d’un percheron, vous imaginez un peu la dure chute du poulain lors de son arrivée en ce monde)
Et puis ensuite, mon grand-père, il est parti faire l’école des mousses et une carrière dans l’armée qui aurait pu s’arrêter brutalement si la balle qu’il a reçue dans la tête avait été se loger quelques millimètres plus à gauche (pour de vrai, il a maintenant une plaque d’acier sous la peau pour remplacer le fragment de boîte crânienne qu’il a laissé en Indochine) (ouais mon grand-père est UN PEU un cyborg).

Son enfance dans les champs morbihannais, près de Sarzeau, elle peut sembler tout auréolée de vapeurs champêtres et bucoliques, façon Petite Maison dans la Prairie.
Mais en fait pas vraiment -et je parle pas de la réquisition de la ferme familiale par les occupants allemands pendant la Seconde guerre mondiale, même si j’imagine que ça devait pas être la fête tous les soirs.

Parce que tout ça, ça continue certes de vivre avec mon grand-père : son compost de compét’, son potager mêlant permaculture et biodiversité, son purin d’ortie fait maison pour le jardin, sa manie de toujours finir le pain de la veille avant d’entamer celui du jour, de garder une demi-pomme de terre ou quatre moules pour les faire ensuite en omelette …
Mais ça ne l’empêche pas d’être un grand adepte d’eau de Javel et de lessive Saint-Marc, de pulvériser de la bouillie bordelaise sur certains arbres fruitiers quand vraiment c’est la dèche, ou d’acheter de la salade piémontaise en barquette plastique (et je ne sais pas ce qui me gêne le plus là-dedans, la piémontaise ou le plastique) (si, je sais, c’est la piémontaise).

Lui qui a vécu l’occupation allemande, par exemple, a été élevé dans l’idée que le gaspillage est une faute, tout en enduisant les grains de blé de pesticide avant de les semer. Peut-on parler d’écologie dans ces conditions ?

Pareil pour Elodie, 35 ans : « Mes grands-parents était paysans, vivait en pleine campagne, mangeaient leurs productions mais n’étaient pas du tout sensible à l’écologie. Par exemple, leurs canards pataugeaient dans des flaques  de gasoil ou ils utilisaient des produits très dangereux. » (les grands-parents, hein, pas les canards. Quoique…)

Alors du coup, c’est quoi le fin mot de l’histoire ? Démarche écologique, contrainte économique et culturelle de l’époque, méconnaissance des impacts des activités humaines ?
Mon pépé, il était écolo, ou juste en phase avec son époque ?

Mon point de vue à moi est simple : la différence avec une démarche écolo, c’est la démarche volontaire justement. Volontairement se détacher d’un modèle préétabli pour s’orienter vers autre chose.
Si le modèle préétabli amène déjà, par la force des choses et par la nécessité de survivre, à adopter des comportements responsables, pas de démarche volontariste possible, par définition. Pourquoi rompre avec un modèle si ce modèle est la définition et le vecteur de la survie ?

La différence avec une démarche écolo, c’est la démarche volontaire, justement.

Fred, 31 ans, met cet aspect en lien avec la génération qui a suivi :

« Je pense que [nos grands-parents] étaient clairement beaucoup moins sensibilisés que nous mais qu’en revanche les conditions de vie qu’ils ont eu au quotidien étaient globalement moins néfastes pour l’environnement et que nous avons des enseignements à en tirer. 
Le fait qu’ils aient engendré la génération de nos parents tend à prouver que les considérations écolos étaient quand même très secondaires à l’époque. » (Fred, 31 ans)


On va y revenir, mais visiblement, nous les trentenaires, on leur en veut un peu, à nos parents.
(Ca me fait penser à un article que j’avais lu un jour sur l’internet mondial, et où le type listait les titres d’articles qui indiquaient que les millenials avaient tué quelque chose. Ca allait du marché de l’emploi à la mayonnaise. Si vous comprenez l’anglais, c’est à mourir de rire.)


Clémence, 29 ans, souligne que « La conscience écologique qui émerge dans les nouvelles générations n’a rien à voir avec ce qui pouvait se faire auparavant et c’est normal. Aujourd’hui, on a accès à un tas d’informations sur le sujet ».
On voit donc le rôle important à la fois du contexte social, mais aussi de l’information et de sa diffusion pour sensibiliser les gens (et on y reviendra plus tard).

C’est ce contexte (social, historique, politique, économique…) qui a sans doute déterminé une grande part des comportements que l’on juge aujourd’hui écolos. Comportements adoptés non pas parce qu’ils étaient respectueux de l’environnement, mais parce qu’ils permettaient de mieux (sur)vivre dans un contexte difficile, où la satisfaction des besoins de base (nourriture, hygiène…) était moins facile et prolifique qu’aujourd’hui.


C) Des comportements dérivés d’un contexte social et économique

Mélanie, 30 ans, introduit bien le propos : « Les générations passées avaient juste un poil plus de bon sens et de pragmatisme, moins de moyens peut-être, moins de choix de consommation… Je ne pense pas qu’il s’agisse exactement de préoccupation écologique. Juste de contexte de vie. »

C’est une idée que je juge, personnellement, essentielle, et qui a été très largement abordée dans pratiquement tous les questionnaires que j’ai reçus.

Bien entendu, il y a toutes sortes de variations, cela dépend des familles, des individus, des personnalités. Par exemple, les grands-parents de Lydia (37 ans) semblent avoir une forme de démarche écolo : « Je pense que ce sont des sensibilités différentes : le combat pour la cause animale leur est clairement indifférent parce qu’ils ont tué leurs lapins/poules/cochons depuis l’enfance, en revanche la protection des sols et l’économie de l’eau, la réduction des déchets et la protection d’un système d’agriculture paysanne raisonnée voire bio, c’est important pour eux. »

Mais dans la majorité des témoignages que j’ai reçus, les réponses allaient dans un sens un peu différent : des aïeux écolos, peut-être, mais pas par véritable conscience environnementale.

L’impact de la guerre, tout d’abord, est une composante essentielle de l’adoption de comportements responsables. C’est valable également à l’époque actuelle : en temps de guerre, ou quand elles ont connu la guerre, les populations ont tendance à provisionner, récupérer, rationner, car elles ont expérimenté le manque.

Pour Isolde, 33 ans :

« Si on prend l’époque où mes grands-parents avaient mon âge, il me semble évident qu’ils étaient moins sensibles à l’écologie en tant que telle. Pour autant, ils avaient des comportements qu’on pourrait qualifier d’écolo aujourd’hui, alors qu’à l’époque, c’était par souci d’économie, parce qu’ils avaient connu la guerre et étaient éduqués en ce sens. » (Isolde, 33 ans)

Aly le confirme : « Mes grands-parents étaient des enfants de la guerre. Ils étaient « écolos » sans que ça porte ce nom parce qu’ils ont fait l’expérience du manque. Ils économisaient tout, faisaient des réserves mais utilisaient du Round Up par exemple parce que, comme la cigarette, son usage était vendu comme un progrès incroyable ! L’histoire tend à se répéter non ? ». (Aly, 37 ans)

Au-delà de l’impact psychologique de la guerre, l’expérience du manque a pu se faire aussi par le simple fait de vivre à une époque où le contexte économique ne permettait pas d’accéder à tous les biens et produits dont on avait besoin pour vivre.
Sans hypermarché, difficile d’acheter du fromage blanc pour toute la famille.
Et dans un contexte où le manque rôdait à chaque coin de rue, la lutte contre le gaspillage n’était pas qu’un slogan ministériel, mais un instinct de survie au quotidien.

Dans un contexte où le manque rôdait à chaque coin de rue, la lutte contre le gaspillage n’était pas qu’un slogan ministériel, mais un instinct de survie au quotidien.

« Mes grands-parents y étaient plutôt sensibles, mais pas comme aujourd’hui. Pas pour les mêmes raisons non plus. Combien de fois ai-je entendu pester mon grand-père contre les grands champs sans haies pour abriter les animaux et empêcher les coulées de boue ! Ils vivaient des récoltes du (grand) potager / verger, faisaient des conserves, allaient à pied, uniquement dans les commerces de proximité. Mais à l’inverse, jamais je ne les ai vus trier les déchets (à part les journaux) ou s’inquiéter des nuisances du diesel, par exemple. » (Pompon, 36 ans).

Et Madeleine (26 ans) nous dit la même chose : « Je ne pense pas que ces générations ont été plus sensibles à l’écologie. Mais la génération de mes grands-parents est moins polluée par la société de surconsommation puisqu’ils ont connu l’avant, la guerre, le manque, la patience, la non-immédiateté de satisfaction d’envie ».

Il faut donc bien séparer deux nuances de l’écologie.

  • D’une part, l’écologie comme comportement passif, inconscient (on se comporte de telle manière, et incidemment, au passage, ce comportement a un effet positif sur l’environnement). Celle de mes grands-parents, qui donc avaient des comportements écolos mais sans se vouloir écolos. Peut-on vraiment utiliser le terme écolo, dans ce cas ? La question se pose. Pour moi, qualifier quelqu’un d’écolo c’est un peu le faire ressortir d’un groupe qui ne le serait pas. Si toute la société l’est… Le terme n’a plus beaucoup de sens.
  • Et d’autre part, l’écologie comme démarche volontaire, un engagement conscient (on se comporte de telle manière, parce que ce comportement a un effet positif sur l’environnement). L’écologie dont je parle sur ce blog.

Jean-Claude, 63 ans, traduit la même idée d’écologie « contextuelle » : « Ils étaient « naturellement » plus écologiques, car ils vivaient plus près de la terre (polyculture et alternance des cultures), le confort moderne était moins à leur portée.
Ils étaient probablement plus patients et intégraient la pérennité comme critère de choix (moins de gaspillage). D’un autre côté ils ne connaissaient pas et n’étaient du coup pas sensibilisés à la pollution. »

Le comportement « écolo » des générations avant 1945 semble donc être clairement perçu comme une conséquence directe des conditions de vie et de l’état de la société d’ailleurs (en termes de technologie, d’accès à la consommation, d’autonomie …).

Ce comportement écolo n’était donc pas écolo en soi (donc caractérisé par un engagement volontaire), mais une conséquence d’un milieu et d’un mode de vie très différents de ce que l’on connaît aujourd’hui. Un comportement réactionnel, en somme, plutôt que proactif.

Maintenant, la question intéressante, c’est de savoir ce qui se serait passé si, à 15 ans, mon pépé avait eu accès à toute la facilité que l’on connaît aujourd’hui.
A quoi aurait ressemblé cette génération de l’entre-deux-guerres si, dès leur plus jeune âge (comme la génération de mes parents), elle avait eu une disponibilité alimentaire et de confort encore jamais connue ?

Julie, 25 ans, explique bien que cette image d’un passé écolo est surtout façonnée par le contexte technologique, social de l’époque.

« Nos grands-parents étaient écolos par la force des choses, car à l’époque, l’offre était beaucoup moins importante qu’aujourd’hui. Les courses se faisaient plusieurs fois par semaine au marché, et pas chez Leclerc le samedi ; il y avait une voiture par foyer, l’agriculture n’était pas encore dopée aux pesticides … Dire qu’ils étaient plus écolos, c’est comme dire que les anciennes générations étaient plus dégourdies : je pense que si Papi Ferdinand avait eu Waze sur son iPhone, il ne se serait pas non plus foulé à développer son sens de l’orientation. » (Julie, 25 ans)

Idem chez Mélaine (28 ans) qui nous raconte une anecdote familiale : « Ma mémé (donc la mère de ma grand-mère, donc y a très longtemps) était mamie quand l’agro-alimentaire a pris son essor. Et dans ma famille tous ceux qui connaissaient les pâtés maisons de mémé ont été déçus de la voir se mettre à acheter du pâté tout fait. Parce que mémé, au bout d’un moment, elle en avait marre de faire son pâté maison. Mémé elle arrivait à un âge où elle trouvait ça bien chouette de pouvoir inviter ses ami.e.s et sa famille sans se prendre la tête à mitonner 3 entrée, deux plats et un dessert mais en proposant une assiette de charcuterie. « 

Quand on a connu la privation ou la réduction forcée de ses sources de survie, pour ensuite avoir accès à la consommation de masse, il peut être difficile de comprendre pourquoi on se « prive » volontairement (la notion de privation étant elle-même très relative, au point qu’une partie entière de cette étude lui sera consacrée).

Delphine L illustre cette idée : ses grands-parents, qui ont vécu la guerre, ont ensuite vu débarquer dans leur vie tout un champs de possibles représenté par le confort et le progrès modernes.

« Mes grands parents faisaient partie de la génération qui a vécu la 2ème guerre, voir la 1ère pour deux d’entre eux. Oui, ils avaient en général le souci de l’économie et de fait étaient écolos du fait de la non disponibilité de certaines choses. Mais dès qu’ils ont eu accès à la consommation de masse ils en ont profité. A leur décharge ils n’avaient absolument pas conscience des impacts négatifs de ce nouveau modèle et ne voyaient là qu’un progrès et une grosse amélioration du niveau de vie. Anecdote rigolote : mes grands-parents ont été les premiers à avoir une machine à laver. Cet objet dégage du temps : pendant qu’on ne lave pas, on peut faire autre chose. Les premiers temps, une bonne partie des voisins venaient regarder la machine tourner… Question gain de temps… 🙂 » (Delphine L.)

Pour Laurine, 26 ans, « On leur a vendu le tout jetable comme une révolution sans inconvénient.
Mes parents ont suivi la même voie. Même quand j’explique et montre qu’il existe des alternatives simples , ils prétendent ne pas vouloir renoncer à leur confort. « 

En somme, l’arrivée d’un mode de consommation de masse dans les foyers de nos grands-parents aurait « balayé » leurs comportements responsables, par l’apport d’une facilité bienvenue après une période de privations.
Il faut aussi se remettre dans le contexte. Perso, si j’avais grandi comme mon grand-père avec les vaches dans la pièce d’à côté, des sabots en bois pour aller à l’école, et la galère d’aller laver mes culottes en plein milieu du village, peut-être que j’aurais également accueilli à bras ouverts la lessive Le Chat et l’essuie-tout.

L’arrivée d’un mode de consommation de masse dans les foyers de nos grands-parents aurait « balayé » leurs comportements responsables, par l’apport d’une facilité bienvenue après une période de privations.

J’en conclus donc qu’il est dangereux de placer des étiquettes sur une génération entière (qu’elle soit positive ou négative), car certes la génération de mes grands-parents avait des comportements écolos, mais ceux-ci étaient dictés par un contexte social, économique, historique, et non par une sensibilisation (consciente ou non).
D’ailleurs, les résultats de l’Insee l’indiquent clairement :

« La sensibilité environnementale apparaît comme le facteur qui détermine le plus souvent et le plus intensément les pratiques des ménages. L’âge arrive en deuxième position » (« Les acteurs économiques et l’environnement« , Insee Références, Éric Pautard in. « L’inégale capacité des ménages à agir en faveur de l’environnement », 2017).


On nous « vend » cette génération comme proche de la terre, responsable, etc. Mais l’était-elle vraiment ? Certes, il existe des gens qui étaient écolos par conviction. Mais pour une partie de la population (que je soupçonne importante), ces comportements étaient liés à une notion de survie et de contrainte.

Pour preuve, comme l’ont décrit plusieurs témoignages, une fois la consommation de masse arrivée, nos grands-parents ont laissé tombé leurs habitudes (liées à la dureté de la vie) pour embrasser une facilité toute nouvelle.

Cependant, il ne faut pas mettre de côté l’aspect « survie ».
Non pas que le monde doive se terrer dans des bunkers et manger des conserves ; mais si les comportements qu’on associe aujourd’hui (à tort, visiblement) à de l’écologie étaient en fait des stratégies de sauvegarde et de survie (préserver son outil de travail et sa source de nourriture, par exemple), on peut en déduire que l’on peut s’en inspirer de nos jours pour faciliter la survie de notre planète et de notre espèce.
Il ne s’agit donc pas d’un retour en arrière, d’une logique rétrograde ou autre billevesées (j’avais envie de placer ce mot). Mais plutôt d’une inspiration de « bonnes pratiques » comme on dit dans le milieu de l’entreprise.

Encore une fois, c’est pas parce que c’est ancien que c’est moins bien (l’inverse est également vrai). Il faut accepter le fait que parfois, sur la route de l’évolution, on a laissé tomber des choses qui auraient pourtant mérité de continuer avec nous.
Au final, ce serait comme retrouver un objet super utile dans le grenier alors qu’on pensait l’avoir perdu.

La facilité de consommation a explosé pendant les Trente Glorieuses (selon l’Ademe, depuis les années 1960, la consommation des ménages français a été multipliée par plus de 3 : La consommation des ménages en France, Ademe, 2018). L’arrivée de la consommation de masse, l’essor du tout-jetable et tout-plastique coïncide avec la génération des baby boomers (nés entre les années 40 et 70).
Avec la consommation de masse, c’est l’avènement d’une nouvelle norme de consommation : après des années de guerre et des décennies de production limitée, d’un coup, tout devient accessible, et à des prix de plus en plus bas.
C’est aussi l’apparition des prémisses de la mondialisation, l’apparition du marketing moderne, couplée à la révolution des modes de production -rappelons que le fordisme et sa vision des chaînes de production se généralise fortement, justement, pendant les Trente Glorieuses.


D) Baby-boomers et consommation de masse : quand le confort devient un bien généralisé

L’arrivée de la consommation de masse est en effet un marqueur (réel ou imaginaire, c’est la question) à la fois très précis et fortement bouleversant dans le mode de vie de nos parents et grands-parents.

J’ai également noté dans les questionnaires une certaine distinction entre la génération « pré-seconde guerre mondiale » et la génération post-1945.
Pour les trentenaires actuels, si la génération de leurs grands-parents semblait prendre soin de l’environnement (même pour des raisons totalement déconnectées d’un engagement volontaire et conscient), la génération des parents est celle du dérapage.

« Mes parents ont connu la pauvreté, se sont faits tout seuls, ils ont connu une guerre et les 30 glorieuses. Pour eux réussir dans la vie était plus important que réussir sa vie. Ce sont des surconsommateurs qui ont connu le progrès et n’entendent pas y renoncer … » : Emma, 47 ans. Ses parents ont donc connu la Seconde guerre mondiale et les grandes transformations qui ont suivi.

Même constat chez Delphine L :

« Mes parents sont les enfants de ceux qui ont vu arriver la consommation de masse. Les modèles sociaux et les critères de réussite sont tous basés sur la consommation de masse. » (Delphine L)

La consommation de masse est devenue la norme, indicateur de réussite financière et sociale, dans une sorte d’euphorie généralisée liée à l’hyperdisponibilité d’un ensemble de produits et services dont on n’avait encore jamais rêvé.
Le bonheur des dames revisité.
Comme le dit Max (29 ans) : « Pour mes parents (…) l’écologie c’est un peu le déni de la modernité, tellement on leur a répété que le modèle de consommation actuel représentait un vrai progrès ».

Comment envisager l’écologie, la déconsommation, la décroissance, quand on nous répète depuis toujours que le vecteur principal pour démontrer sa réussite, c’est… la consommation ?
(Si ce couplet sonne familier à vos oreilles, c’est normal : on est toujours, je pense, en plein dans cette problématique avec la génération Y et même la génération Z).

La consommation de masse est devenue la norme, indicateur de réussite financière et sociale, dans une sorte d’euphorie généralisée liée à l’hyperdisponibilité d’un ensemble de produits et services dont on n’avait encore jamais rêvé.

Isolde, 33 ans, nous dit : « Pour mes parents, ils sont nés dans les années 50 et clairement, ils ont grandi pendant les 30 glorieuses dans une société qui avait un souci plus que modéré pour la question écolo (cf. la scène de pique-nique familial dans la série Mad Men : c’est la fin du repas, la maman secoue la nappe avec tous les détritus dessus, qui restent sur la pelouse. Parents et enfants montent dans la voiture qui démarre. Les détritus restent sur la pelouse. Fin de la scène. Le spectateur des années 2000 ramasse sa mâchoire) ».
Pour voir l’extrait, direction YouTube.

Cette génération post-1945, c’est celle du baby boom, et de l’apparition de la consommation de masse.
En France, le supermarché est apparu en 1957, et l’hypermarché en 1963. Cause ou conséquence de l’hyperconsommation, la question n’est pas là dans mon propos (surtout que je ne suis pas spécialiste !). Je note simplement que les moyens de la conso de masse sont apparus à cette époque, avec en double effet kiss cool ses incidences graves sur l’environnement, notre utilisation de ressources non renouvelables, nos déchets et notre empreinte sur la planète en tant qu’espèce.

« Grâce à la création des grandes surfaces alimentaires (…) la France est entrée dans l’ère de la distribution de masse qui a mis à la disposition d’un nombre croissant de Français des objets de consommation de plus en plus nombreux et diversifiés » (Consommation de masse et grande distribution – Une révolution permanente (1957-2005), Jean-Claude Delmas, in Vingtième Siècle, site du CAIRN)

Cette époque post-guerre est marquée par plusieurs transformations sociales et politiques profondes. L’arrivée des femmes sur le marché du travail, la croissance accélérée de la population, le besoin peut-être de revivre après des années de guerre … Si l’hyperconsommation -et la pollution subséquente- a grandi si vite et si bien, c’est sans doute qu’elle a trouvé dans cette époque un terreau fertile et favorable. Cependant, dans l’euphorie d’après-guerre (enfin, sur le plan géopolitique tout est relatif hein, mais je simplifie !), on a vu tout le côté pratique (les plats préparés, inventés en 1945 ! Les couches jetables, inventées en 1950 ! Les serviettes jetables, arrivées en France en 1963 !) sans se poser la question des conséquences environnementales si ce modèle de consommation continuait de grandir.
Selon l’Ademe, depuis les années 1960, la consommation des ménages français a été multipliée par plus de 3 (La consommation des ménages en France, Ademe, 2018).

Aujourd’hui, le petit modèle est devenu géant, et avec lui la quantité de difficultés écologiques à régler en urgence. La facture arrive après le banquet…

Si l’hyperconsommation -et la pollution subséquente- a grandi si vite et si bien, c’est sans doute qu’elle a trouvé dans cette époque un terreau fertile et favorable.

Et sans recul, point de salut.
Aly (37 ans) : « Les personnes nées dans les années 60 ont vécu les Trente Glorieuses qui leur ont permis de ne pas vivre les privations de leurs parents, de tout avoir tout de suite mais sans le recul que nous pouvons avoir [aujourd’hui] ».

Pour Amandine (25 ans), les générations précédentes ont une grande part de responsabilité dans l’état actuel des choses : « J’aurais aimé que les générations précédentes ne soient pas « égoïstes ». Le problème de la transition écologique aurait pu être pris bien plus tôt, mais certains n’y ont pas cru ou ce sont dit que ça ne les concernerait pas de leur vivant. J’estime que ce n’est pas aux autres de nettoyer après moi, je profite de la planète alors je dois faire ce que je peux pour elle, donc je dois faire plus. »

Evidemment, cette description ne concerne pas tout le monde ! Les parents de Lisa (25 ans), par exemple, sont très engagés dans l’écologie, sa mère ayant même créé une AMAP il y a 10 ans, quand c’était encore quelque chose de très confidentiel.

De la même manière, les parents de Camille (38 ans) ont eu une démarche évolutive :

« Ils sont aussi sensibles que moi à l’écologie (ou plutôt, je suis aussi sensible qu’eux !), mais ils sont passés par plusieurs phases. Ils ont eu une (grosse) phase hippie quand ils étaient jeunes. Mon père était (déjà à l’époque) très angoissé par l’état de la planète, il avait des affiches d’oiseaux mazoutés dans sa chambre d’ado (années 60-70). Il ne voulait pas d’enfant pour ne pas « peser » sur la planète. Puis ils se sont installés dans une ferme et sont devenus agriculteurs (apiculteurs pour être plus précise) parce qu’ils voulaient vivre au plus près de la nature. Ils étaient végétariens et vivaient un peu d’amour et d’eau fraîche. C’est surtout mon papa qui avait une forte conscience écolo. Il a intégré les Verts pendant quelques temps, mais a été super déçu de la politique. Et puis quelque part en route, avec leur divorce, le rêve hippie s’est cassé la gueule. Mon père reste profondément écolo mais du type blasé, du coup nous n’en avons jamais vraiment discuté. Ma mère quant à elle est écolo sans le savoir, dans le sens où elle vit à la campagne, elle fait de la récup, composte, recycle, elle ne vit pas au-dessus de ses moyens, mais ne s’est jamais « engagée » plus que ça.  » (Camille, 38 ans)

Les baby-boomers et personnes issues de la génération X qui ont témoigné, eux, indiquent une prise de conscience sur le tard.

Jean-Claude (63 ans, donc plutôt génération baby boom) a un discours semblable. « Nous avons atteint un âge où nous pensons très sérieusement à ce que nous léguons à nos enfants et aux générations futures.
J’aimerais faire plus pour arrêter et essayer de réduire les effets de la consommation des ressources naturelles à outrance pour que les générations futures puissent bénéficier et profiter d’un environnement et d’une qualité de vie que nous connaissons encore aujourd’hui mais qui tend à se détériorer. J’essaie également d’avoir une démarche dans ce sens ! »

Il y a dans ce discours un intérêt certain pour la protection des générations à venir, mais aussi pour le maintien d’une qualité de vie actuelle.
Jean-Claude continue : « nous voyons la situation se dégrader et commençons très clairement à mesurer les impacts (réchauffement avec ses conséquences, pollution de l’air et des mers, montagnes de déchets dans les déchetteries etc. ) ».

Il semble donc qu’un tournant ait été marqué avec la génération des baby boomers. En effet, la génération précédente a connu le contexte avant les Trente Glorieuses ; les baby boomers, eux, ont toujours plus ou moins baigné dans l’hyperconsommation.
Cela transparaît souvent dans le discours de « jeunes » écolos trentenaires, dont beaucoup s’inscrivent en opposition à leurs parents.
Moi la première : j’ai été élevée dans une famille où le matériel est important, où avoir une belle voiture ou les moyens de changer ses rideaux tous les ans, c’est important.
Où on mange de la viande rouge tous les jours, et où on jette, on jette, on jette, parce que le jetable c’est bien plus pratique.

La difficulté, c’est donc de se départir de ce modèle, même si ce n’est pas complètement réalisé ni réalisable. D’où une certaine dichotomie dans ma génération, entre les gens sensibilisés, et ceux qui ne le sont pas.
Quel regard porter sur sa propre génération, en matière d’écologie ?

(A suivre !)

7 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Cassandre dit :

    Merci beaucoup pour cet article ! J’ai beaucoup aimé, à la fois le côté très fouillé de la réflexion (ne pas se contenter des lieux communs qu’on entend habituellement sur le sujet) et les citations (plusieurs personnes qui relatent une expérience similaire, je trouve ça plus parlant et plus convaincant qu’un espèce de persona moyen). J’ai hâte de découvrir la suite 🙂

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  2. Je trouve ce premier article super intéressant! je partagerai!
    J’ai ri (jaune) devant la scène de pique-nique dans Mad Men quand même 😉

    Quant à la mise en page, j’aime beaucoup les références aux commentaires de tes interviewés même si effectivement, cela peut paraître un peu redondant; je comprends ton envie de donner la parole à tou.te.s celles.eux à qui tu as parlé, peut-être arriveras-tu à regrouper leurs pensées par thématique tout en continuant de citer leurs noms ensemble (ex: Delphine, Isolde et Jean-Claude ont remarqué que  » …  » )

    Sinon, j’adore! Une belle entrée en matière et déjà une base sur laquelle (re)commencer à échanger.
    A bientôt pour la suite

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  3. JF dit :

    Est-ce qu’un peu moins d’exemples ne suffirait pas à justifier le propos. Ça ne met pas en valeur le super travail de mise en perspective à mon sens. Et puis du coup j’ai pas envie d’infliger ça à d’autres personnes. Sinon c’est super, ça sent le bouquin…

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    1. Wild Wild Waste dit :

      Bonjour !
      Effectivement à la relecture, cela alourdit le propos…
      Je suis partagée entre le fait de vraiment donner la parole à ceux qui avaient participé au questionnaire, et le fait que multiplier les citations noie un peu le propos.
      J’ai enlevé quelques exemples de cette partie, et je tâcherai d’en limiter le nombre dans les articles à venir -même si, parfois, ils sont la source de la réflexion qui suit 🙂

      Merci beaucoup pour votre retour !

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