Il n’y a pas très longtemps, une copine admin du groupe GBEM est venue à la maison, pour la dédicace du livre de Marie et Herveline.
Forcément, on a eu des activités de licornes, comme faire une tarte aux poireaux, aller déposer des fringues chez Emmaüs ou boire de la liqueur de banane.
SAI NOU
En chemin vers Emmaüs, la copine admin a dit quelque chose qui a fait tilt dans ma tête. Elle a dit, grosso modo : « ce que j’adore, c’est que cette démarche, elle remet du sens dans tous nos actes, même fabriquer ma lessive c’est redevenu un truc avec du sens« .
(Ou à peu près hein, l’essentiel c’est le message, laissez-moi).
Yé souis toutafé d’accord. Et même que je vais en parler de manière plus précise, dans mon immense bonté.
Vous êtes ravis.
Cet article reprend des idées que j’avais déjà abordées ici et là. Si vous avez déjà lu ces articles, je m’excuse pour les éventuelles redites 🙂
Temps de lecture : 5 minutes
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Disclaimer
À la base, cet article s’intitulait seulement « redonner du sens aux actes ». J’ai complété le titre en réaction à l’actualité. Loin de moi l’envie de parler politique -c’est toujours compliqué, clivant, déprimant aussi.
Simplement, je suis déçue de devoir affronter à nouveau l’absence de volonté éthique ni écologique.
Après un moment de découragement, vient le moment du regain d’énergie. C’est quand rien ne se passe que l’action individuelle prend le plus d’importance.
N’oubliez jamais que le changement ne se fera pas sans nous, et qu’on n’est pas obligés de suivre le chemin tout tracé par une logique qu’on réprouve ou dont on commence à douter. On a beaucoup plus de choix qu’on ne le pense, quels que soient nos moyens, nos opinions politiques, nos engagements sociaux.
J’en remets une couche avec un principe qui m’est cher : le vote le plus utile, c’est celui qu’on fait au quotidien. Puisque l’argent essaie de régner, alors orientons ce règne, utilisons notre argent et nos choix pour aller vers un monde meilleur, chacun à notre niveau, chacun à notre rythme. Un petit pas à la fois. Le moindre geste compte.
Malgré la déception, je remarque une certaine émergence (et une convergence) des consciences. Et c’est précisément par là que tout commence.
Plus que jamais, j’ai besoin de donner du sens à mes actes.
Pour cesser de vivre et de consommer dans une espèce de brouillard, un peu groggy.
Pour avancer comme je peux vers ce que je crois plus juste, plus éthique, plus humain, plus équitable.
Pour essayer de trouver ce qui me rend heureuse, ce qui me donne envie de me lever le matin, ce qui entretient la petite étincelle.
Pour me réveiller, et rester alerte.
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Quand tu oublies que tu es en train de vivre
Je ne sais pas si ça vous arrive aussi. Souvent, je suis en train de faire un truc, et j’ai soudain l’impression de me « réveiller ». Ça arrive quand je suis concentrée sur quelque chose, ou que j’accomplis une tâche un peu automatique. L’esprit divague un peu, et soudain il revient et je réalise que je suis en train d’agir.
Genre je rêvasse, et d’un coup je prends conscience que je suis en train de mettre mes chaussettes à sécher, ou de doubler quelqu’un sur l’autoroute, ou de faire de la corde à sauter avec un poney.
Véridique.
Ces moments-là, on les a plus ou moins fréquemment. Quand ils arrivent, je me demande toujours : « ça fait combien de temps que je faisais ce truc sans le faire consciemment ?« .
Et récemment, je me suis demandé si, au final, on ne passait pas la majorité de notre vie dans cet état où la conscience est en pilote automatique, où tu fais des trucs, mais sans vraiment savoir comment, ni pourquoi. Le sens s’est éclipsé derrière l’automatisme.
Et si c’était pareil pour nos habitudes ? Et si on faisait les choses telles qu’on les fait parce qu’on n’en a pas pris conscience ?
Parce qu’il y a une nuance entre agir, et agir en pleine conscience. Ça y est, j’ai prononcé les mots magiques !
Quand on agit en pleine conscience, on prend en compte tout ce qui se passe : de manière empirique (par les 5 sens), de manière cognitive (pourquoi ? comment ?), de manière émotionnelle aussi (ce que ça provoque chez soi).
Mais il suffit que la pensée aille se balader ailleurs, qu’on cesse de se poser des questions, qu’on passe en mode automatique, et hop, le sens et le but des choses nous échappe. C’est ce qu’on appelle communément une habitude.
Quand tu te coupes les ongles de pieds, par exemple.
Bon, mauvais exemple.
Cela dit, ça fait partie de la vie de tout le monde. La preuve.
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Quand ton quotidien reprend du sens
Et donc, le rapport dans le contexte ? (Je vous vois vous impatienter) (Oui je suis Big Brother) (Non c’est pas vrai en fait).
Il se trouve qu’entamer une démarche comme celle-ci (réfléchir à l’impact de notre consommation sur l’environnement et sur les hommes) implique de se poser des questions parfois difficiles sur nos gestes quotidiens.
Remettre en perspective nos gestes, nos habitudes de vie, nous impose de les décortiquer un à un, les analyser, les comprendre … dans le but de pouvoir les changer.
Exemple concret, la lessive (puisque cet article a commencé par ça, il y a environ mille ans, souvenez-vous). Avant, j’achetais de la lessive industrielle, parce qu’il fallait bien laver mes vêtements et que j’avais l’habitude de mettre de la lessive industrielle dans la machine. Parce que j’avais toujours fait comme ça (coucou l’argument à deux balles).
Mon copain me disait à l’époque (désolée, je te livre aux lions) que ça ne servait à rien de perdre du temps à fabriquer de la lessive, et qu’on pouvait bien se permettre d’en acheter de la toute faite.
J’ai réalisé que là n’était pas la question. Au-delà des considérations pratiques du type temps/argent/santé, le fait de faire moi-même a une portée supplémentaire. Écologique, oui, mais pas seulement. Il y a quelque chose de presque politique là-dedans.
Histoire de faire dans la formule hyperbolique : fabriquer ma propre lessive est devenu un acte militant (ouais, rien que ça).
Mais non, pas du tout.
Alors dit comme ça, ça sonne hyper crétin, j’en conviens (en mode « révolution avec une cuillère en bois »).
Mais le sens de l’engagement est dans la répétition consciente et mesurée du geste. Chaque fois que je touille ma casserole de savon et de bicarbonate, j’agis un peu plus contre un fonctionnement qui ne me convient plus ; puisqu’à chaque fabrication de lessive, je ne rachète pas d’industriel. Je ne finance pas le système qui pollue et exploite, je contribue à déconstruire un mode de consommation irrespectueux. C’est bête, mais c’est vrai.
Je ne fais pas ce que je fais uniquement pour fabriquer une lessive meilleure pour l’environnement, pour la santé et pour mon compte en banque. Je le fais aussi pour affirmer encore un peu plus ma démarche.
En répétant le geste, je pérennise mon engagement.
Rien que le fait de disséquer son habitude, ça remet en question. Ça force à se replacer dans un fonctionnement, dans un « tout » où nous ne sommes que partie. À prendre en compte le reste du monde, au lieu de rester enfermé dans un égocentrisme brumeux.
C’est aussi pour cela que je me sens bien dans cette démarche écolo-éthico-environnementale-tout-ce-que-vous-voulez.
Parce qu’elle remet du sens dans mes gestes du quotidien.
En sortant des habitudes imposées par le seul mode de fonctionnement que j’avais connu, j’ai remis en perspective chacune de mes habitudes, en les examinant, en essayant d’en comprendre l’origine, la raison, la finalité. Pourquoi je fais ça comme ça ? Pourquoi je ne le fais pas autrement ? Pourquoi j’utilise des cotons jetables ? Pourquoi j’achète des tomates en hiver ?
Telle un Sherlock de moi-même.
Et j’insiste : il est important de se poser ces questions sans porter de jugement. On n’est pas là pour culpabiliser (ça fait pas avancer le schmilblik), ni pour viser une sorte de perfection inatteignable. Non, juste se poser des questions, se montrer curieux envers soi-même.
Alors si certains pensent qu’on se prend la tête à fabriquer de la lessive, ou faire nos courses en vrac, ou changer de fournisseur d’énergie, ou acheter des vêtements éthiques …
J’ai envie de leur répondre que ces actes, en plus d’avoir un impact concret plus positif, sont chargés de sens. Et ça n’a pas de prix, de savoir pourquoi je fais ceci ou cela plutôt qu’autre chose, même pour le plus petit geste.
Et dans nos sociétés où tout va très (trop) vite, reprendre conscience de ces choses, c’est salvateur. Et résolument optimiste.
Comme ça.
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L’optimisme retrouvé
J’allais en faire un article entier, mais ça s’enchaîne plutôt bien ici 🙂 Alors je vais essayer de faire court (je vous entends déjà rire, c’est pas très gentil).
Snif.
Je me suis toujours considérée comme pessimiste. Toujours à imaginer le pire scénario, comme ça je suis pas déçue (excuse à deux balles pour se déprimer tout seul).
Mais ce que j’ai découvert, dans cette démarche, c’est que je suis capable d’être optimiste. Et même, d’en faire une arme.
Je me retrouve à rebondir beaucoup plus facilement quand le sort ne me gâte pas, quand je suis déçue, quand je rate quelque chose, quand une élection ne m’apporte pas le résultat que j’espérais …
Devenir optimiste, vue d’artiste.
J’ai appris -sans le vouloir en plus !- à me focaliser sur les solutions, plutôt que sur les problèmes. À trouver des alternatives, à chercher, à être active, à choisir et à savoir pourquoi je choisis.
J’en avais parlé ici aussi.
Quand j’étais en terminale, mon prof de philo (M. G-L si vous m’entendez, spéciale dédicace à vous et à votre montre à gousset) nous avait sorti une maxime grecque. Τῶν ὄντων τὰ μέν ἐστιν ἐφ’ ἡμῖν, τὰ δὲ οὐκ ἐφ’ ἡμῖν : « Parmi toutes les choses du monde, il y a celles qui dépendent de nous, et celles qui n’en dépendent pas ».
Mais pourquoi j’écris en grec ?
À l’époque, ça me parlait beaucoup, mais sans que je sache vraiment pourquoi. Je comprends désormais un peu plus ce qu’il voulait dire.
Retrouver toute ma liberté d’action, cesser de penser que j’étais impuissante et spectatrice, ça m’a rendu beaucoup plus sereine. Parce que j’ai accepté qu’il y a des choses qui ne dépendent pas de moi, et j’essaie de ne plus perdre mon énergie à les changer.
En revanche, il y a plein de choses qui dépendent de moi. Alors j’utilise mon énergie pour agir dessus, et sans hésiter.
Et je vous jure, ça change la vie.
Reprendre du contrôle, cesser de se sentir spectateur désemparé du naufrage (oui je m’autocite), et remettre du sens dans nos actes : quand tu as eu toute ta vie l’impression de ne pas avoir le choix et d’agir, de choisir sans vraiment savoir pourquoi, cette sensation d’avoir enfin retrouvé du sens, elle est libératrice.
« J‘arrête de surconsommer, sauver la planète en 21 jours » chez Eyrolles. Idéalement, demandez à votre libraire indépendant, sinon en commande via Decitre (plus éthique qu’Amaprout hein). Encore mieux,vous pouvez demander à votre bibliothèque de l’acheter pour ensuite en faire profiter tout le monde 🙂
Pic : Annie Spratt/Unsplash
Très beau texte, et quelle belle démarche. Je suis les licornes de tout coeur, même en étant débutante. Maintenant pourquoi ne pas donner votre intention de vote par exemple ? 🙂 les temps qui s’annoncent sont vaseux mais les licornes ne pourraient continuer à exister que dans un système démocratique. Et ensuite dans ce système continuer à faire grandir la bienveillance qui est une valeur tellement perdue actuellement mais tellement importante qui fait tellement défaut aux gens (comprehensiblement) en colère et en rupture avec cette machine infernale de la surconsommation. Vous avez acquis sans le chercher une voix qui a du poids utilisez-la, n’ayez pas peur de la politique au sens plus large dans un moment si trouble et revenons à nos histoires de lessives home-made et autres lingettes lavables (oui moi en ce moment je me débats avec ma toute nouvelle lubie licornesque, les coudre moi-même ) que j’adore et continuer à militer quotidiennement. Je vous suis depuis le Portugal où je vis depuis qqs années maintenant, où la surconsommation est encore plus violente puisque nous n’y avons eu accès qu’il y a très peu de temps, où le travail est de moins en moins éthique, où l’Europe nous impose des salaires bas pour que les grandes entreprises (françaises entre autres mais les portugaises aussi hein) viennent nous exploiter (je vous assure que le mot n’est pas trop fort) et mon inquiétude vis à vis du résultat du 7 mai est énorme, et les Français n’ont pas idée de l’inquiétude que cela crée dans un petit pays comme le Portugal gravement blessé par une énorme crise financière qui nous a fait reculer de 40 ans en arrière au niveau du respect de l’être humain, de l’animal et de la nature. Alors moi j’ai le souhait, humble, que la licornie débarque « par ici » rapidement , et ça ne pourra se faire que si vous tenez le coup « par là -bas ».
Désolée pour le pavé, mais c’est la réflexion que je me suis faite en vous lisant et en découvrant ce merveilleux mouvement citoyen, parce que c’est ça que vous êtes devenues, et c’est très bien. Et ça n’est que mon regard qui vaut ce qu’il vaut, de mon petit coin d’Europe, où la licornie existe à un stade embryonnaire , mais est empêchée de grandir constamment par le pouvoir du fric(employons les grands mots) bonne continuation de votre super travail, prout de paillettes multicolores , joana Emery
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